• Une lettre à la mer...

    Une lettre à la mer…

    par MYLÈNE PAQUETTE le 11 NOVEMBRE 2013

     

    Je ne te supplierai pas de me laisser tranquille, c’est moi qui te cherchais. Au moment d’écrire ces lignes, on se prend la tête avec une dernière querelle et comme d’habitude, c’est toi qui auras le dernier mot. J’abdique certes et je ne cherche pas à avoir raison. Mon ego reste à sa place, bien tapi dans le dernier recoin au sec de mon esprit.

    Cher océan, ça fait maintenant quatre mois que l’on partage nos vies et déjà je dois te quitter. Je ne suis pas encore partie que je te fais déjà des promesses. Je te donne ma parole que nous allons nous retrouver. J’ai apprécié chaque moment passé en ta compagnie, mêmes les plus difficiles car ils ont su me révéler. Tu m’as permis de me découvrir, me dépasser, me surprendre et le plus important; reconnaître mon humilité. Pour chaque trésor trouvé ici, je veux te dire merci.

    Tu reconnais surement ma voix car près de toi j’ai crié plus d’une fois. J’ai même déjà cru crier de mes poumons mon dernier souffle, je t’ai crié d’arrêter, de me laisser tranquille, de te calmer… Malgré tout, résonnaient tous les jours un éclat matinal de ma petite voix du matin, mon célèbre « Hello World » traditionnel depuis le pont de mon minuscule esquif.

    Notre quotidien s’est construit d’horizons merveilleux, de ciels sans obstacles, d’étoiles. D’un lever de lune pleine à un autre de tes célèbres couchers de soleil, j’ai rencontré ton âme et tes habitants, des êtres surprenants, merveilleux. À chaque jour, j’aperçus l’un d’entre eux que ce soit une baleine, d’adorables globicéphales, des dauphins, des bancs de poissons, du plus petit au plus effroyable du monde, une vieille tortue, des oiseaux, des calmars ou de gracieuses méduses, à chaque fois je me suis adressé à eux avec intérêt, avec déférence. Ici, se respectent et s’achèvent au rythme de ta volonté des milliers d’êtres contribuant au monde soit de leurs chairs soit de leurs ruses, parvenant à maintenir de justesse un équilibre incertain pour construire cet univers marin auquel je tire aujourd’hui ma révérence.

    J’ai eu peur de toi plus d’une fois. Maintenant que je t’aime à ce point, j’ai beaucoup plus peur pour toi que pour ma petite personne bien limitée. J’ai peur pour ton âme mais surtout pour les hommes de la terre qui dépendent tous de toi.

    Promet-moi de bien prendre soin des marins de la planète qui te chevaucheront et qui feront passage en tes eaux. De mon côté je te promets de t’être toujours loyale, de leur parler de toi en bien et de louanger ta beauté, ta discipline, tes couleurs et surtout tes habitants. Je leur dirai que tu es forte mais très fragile, fière mais modeste et gracieuse même si tu es horrible parfois, je te ferai toujours honneur. Je leur dirai que je t’ai pardonné chaque querelle, chaque état. Je prierai mes amis les hommes de prendre soin de toi, pour nous tous les terriens.

     

    Car nous deux, nous savons bien que peu importe l’issue de notre histoire, malgré mon amour à ton égard, je quitterai ce monde bien avant toi, de vieillesse, de maladie ou d’escapades, comme tous mes frères les humains. À nous seuls, nous t’avons fait bien du mal, tu aurais pu m’en vouloir à m’arracher la vie mais non, tu m’as laissé passer malgré tes états d’âmes les plus redoutables. Pour ça, je te dois tout.

    Je leur parlerai de toi, je leur dirai à quel point tu es belle, à quel point on ne se soucie pas assez de ton destin. Je leur dirai que tes oiseaux m’ont fait la cour à tous les jours, que ton vent peut être aussi doux qu’un matin de printemps et que ton silence peut faire jaillir les plus vieux souvenirs ensevelis aux confins de nos esprits. Je tenterai de leur partager notre histoire pour les en séduire de toi et les faire t’aimer, t’aimer toujours.

    Les humains pourront peut-être comprendre que le mal qu’on te fait, nous le faisons d’abord à nous-mêmes. Car après notre départ et celui des oiseaux, tu continueras à éroder les rochers les plus durs de ce monde, embrasser les berges, tout prendre au passage et arracher bien des arbres. Tu déferleras à jamais en toi-même, tu gronderas et toujours, même si l’Homme n’est plus pour écouter de ses sourdes oreilles, tu feras crépiter l’air à ta surface et ainsi créer le plus beau son du monde soit l’effervescence de tes eaux.

     

    La dame aux baguettes

     


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